Le berger allemand, une race à dysplasie ?

             Tout d'abord, le pourcentage d'individus radiographiés au sein d'une race varie en fonction de la race donnée. Chez le Berger Allemand, les résultats des radios sur lesquels se base ce classement ont été réalisés sur 11627 individus de la race entre 2011 et 2015. Chez l'eurasier, un des meilleurs chiens du classement avec moins de 2% de chiens dysplasiques, les radios se sont basées sur un panel de 53 chiens radiographiés dans la même période. Le chien chinois à crête, grand record du classement avec 0% de dysplasie a remporté la palme d'or avec un total de 8 chiens dépistés. D'autres races souffrent de l'effet inverse et se retrouve en tête des races les plus dysplasiques avec respectivement 22 chiens dépistés chez le Mâtin de Naples et 6 chez le Basset Hound. 

             Ensuite, les méthodes de test actuelles sont les meilleures que nous ayons pour le moment, mais elles sont plus que discutables. En effet, si la dysplasie est une maladie héréditaire, un chien génétiquement prédisposé à devenir dysplasique, s'il est préservé correctement par une alimentation pauvre en calories et des activités adaptées, voir un environnement artificiellement appauvrit comme cela peut se voir dans certains élevages peu recommandables, ressortira avec un faux A, un faux B ou un faux C, et il pourra se reproduire et transmettre sa malformation coxo-fémorale à sa descendance. 

             Enfin, il n'est pas impossible que pour de nombreuses races, le résultat soit en deçà de la réalité. En effet, si lors de la radio, la dysplasie est tellement visible que le vétérinaire traitant peut la voir à l’œil nu, il est rare que le propriétaire du chien envoie la dite radio au lecteur officiel de la race et ce chien passe à la trappe. Ne sont pas non plus comptabilisés tous les chiots qui sont radiographiés tôt et opérés avant leur premier anniversaire. 

             Ces éléments pris en compte, nous pouvons à présent entrer dans le vif du sujet : les races les plus touchées par la dysplasie ne sont pas celles que vous aviez en tête. Pour une raison évidente nous ne parlerons pas des races sous évaluées (100 chiens ne nous semblent pas suffisants pour avoir un avis sur une race entière) et nous tiendrons compte des chiffres depuis les débuts du dépistage.  Le Bouvier Benois arrive en 62ème position du classement avec 16,3% de chiens dysplasiques. Le Labrador, grand deuxième des dysplasiques dans l'inconscient collectif, quand à lui, arrive en 94ème position avec 12,1% de dysplasiques, tandis que son cousin le golden se paye la 43e place avec presque 20% de dysplasiques ! Le rottweiler se glisse à la 33ème place avec 21,2% de dysplasiques. Le Terre-Neuve arrive à la 25e place avec 25% de dysplasiques, quand son parent le Saint-Bernard se paye la tête du classement à la 6e place avec 49% de dysplasiques ! 
Et notre Berger Allemand dans tout ça ? Le grand champion de l'inconscient collectif ? Le number one qui rafle deux fois plus de voix que son copain le labrador ? Il se trouve en 37e position avec 19% de dysplasie. 

(Oui on sait se donner des allures de commentateurs sportifs quand on y met du sien ! Ça se travaille ! :p)

             Oui le berger allemand se trouve en 37ème position, loin derrière le numéro 1 Bouledogue anglais et ses 71% de dysplasiques, et le numéro 2 Carlin 70% de dysplasiques ! Le berger allemand est moins dysplasique que le griffon bruxellois, l'épagneul de Clumber, le terrier russe, le basset hound, le cane corso, le dogue argentin, le Norfolk terrier (un parent du Yorkshire), le bouledogue français. Il est même derrière l'American Staff, le chow-chow et le Shih Tzu !

             Pourquoi cette réputation de dysplasie chez le Berger Allemand alors ? A mon avis il y a quatre raisons à cela :

             La première, c'est que le Kennel Club du Berger Allemand a été l'un des plus pointilleux sur le dépistage de la dysplasie. Elle fait partie des trois races les plus dépistées depuis la création du test, ce qui n'est pas négligeable, et peut être la première a l'avoir autant fait et avoir communiqué dessus.

             La seconde est la représentation de la race : le berger allemand est parmi les chiens les plus représentés au sein des foyers et dans le travail si l'on regarde au long terme. Nécessairement, 19% de chiens dysplasique sur une population aussi grande d'individus cela fait beaucoup de dysplasiques !

             La troisième est à mon avis aussi liée à la forme du dos et les angulations sélectionnées chez le berger allemand, accentuées par la position en statique des chiens en exposition : lorsqu'elles sont trop accentuées, ces caractéristiques donnent au chien une démarche ataxique, mal assurée, qui peut être confondue par le grand publique avec de la dysplasie. Mais il suffit de regarder les chiffres des races les plus touchées pour réaliser qu'il n'existe pas de corrélation (ni de lien de causalité) entre la forme du dos du berger allemand et la dysplasie.

             Enfin, si le berger allemand est une race injustement réputée dysplasique, elle l'est beaucoup plus justement pour la myélopathie dégénérative (que le club de race français refuse toujours de reconnaître) dont 46% sont porteurs ou malades selon l'OFA. Or, la myélopathie dégénérative se présente par une paralysie progressive qui commence par l'arrière train, et qu'est ce qui ressemble à cela pour le grand publique ?

Eh oui... la dysplasie coxo-fémorale ! 

             Que peut-on espérer pour l'avenir concernant cette malformation de la hanche ? A mon sens, l'urgence serait d'isoler les gènes responsables de la maladie. Si l'on est aujourd'hui capables d'éradiquer dans une population de chiens, la myélopathie dégénérative, en n'ayant que des porteurs sains ou mieux, 100% de chiens sains, c'est grâce aux tests ADN. 

             Des tests ADN pour isoler chaque gène, chaque Locus responsable de la dysplasie de la hanche, et leur fonctionnement au sein de l'organisme, ce serait le vœu que je ferais à tous les laboratoires de recherche vétérinaire. En isolant les chiens porteurs ou en les mariant à des chiens sains dans ces Locii là, on serait à même en quelques générations, de totalement éradiquer la maladie ! Plus de faux négatifs possibles, des chiens porteurs seraient facilement écartés de la reproduction et ne resteraient que les chiens sains. 

             Pour l'heure, ces tests sont à l'état de rêve, et la seule solution qui s'offre aux éleveurs est de sélectionner leurs reproducteurs sur des chiens sains de la maladie afin de réduire petit à petit comme il a été fait jusque là, le cheptel de chiens touchés. De 1990 à 2015, le taux de dysplasie chez le berger allemand a baissé de 10% ! Le problème, c'est qu'actuellement le test n'est pas obligatoire pour la confirmation du chien : un chien D ou E peut se reproduire ! Heureusement, il existe quelques élevages* de berger allemand qui opèrent une sélection similaire à celle que nous suivons au sein de l'UCFAS. Il nous semble idéal de suivre leur exemple et d'encourager ces éleveurs là, afin que petit à petit, la maladie touche de moins en moins d'individus.